Hellboy (2004), Guillermo Del Toro : A Study in Red

 

MV5BNWM0YmQ5ZjItMGI2Ni00NTYyLTg0YTMtMzE0ZmVlZTgyYTBjXkEyXkFqcGdeQXVyMTQxNzMzNDI@._V1_SY1000_CR0,0,653,1000_AL_À l’aube d’un nouveau jour. Seconde guerre mondiale. Les américains soupçonnent un grand sorcier sous le joug nazi de développer un moyen ultime de détruire l’humanité en libérant un dieu Lovercraftien et de donner une issue encore moins glorieuse à la guerre qu’un Hitler à la tête du pouvoir mondial. Avoir eu vent de l’histoire est une chose, mais monter une expédition paranormale contre cette menace en est une autre ! Et c’est ce qu’un tout jeune Professeur Broom fera. Un franc succès pour les libérateurs du monde malgré les quelques pertes humaines et le frolage de catastrophe. Mais Broom en reviendra changé… devenant le père par procuration d’un dénommé Hellboy : monstruosité diablesque exclue du monde des ténèbres entrouvert par Raspoutine.
Soixante années ont passé depuis cet indicent. Professeur Broom (John Hurt) est devenu entre temps le grand créateur du B.R.P.D. (Bureau for Paranormal Research and Defense) mettant en action son Hellboy fétiche et d’autres monstruosités pour la lutte contre les forces des ténèbres. Mais ces six décennies marquent aussi le retour d’une menace dont personne n’a idée…

Sous ces airs de film d’aventure/action fantastique, Hellboy se personnifiera comme archétype du film de super héros de ce début du 21ème siècle. Il réunira tous ses codes et se présentera comme la tête de proue niveau qualité d’un genre aujourd’hui surexploité et essoré jusqu’à la moelle, mais qui dès lors sonnait comme un renouveau du film d’action basique. Les Super-Héros étaient déjà présents dans le paysage cinématographique et avaient préparé le terrain, comme Superman ou encore Batman dans les années 80-90. Mais cette vague 90’s ne sera qu’un moyen de faire des films fantastico-action simple voir des films à vertu comic-book (les Batman de Schumacher encore à ce jour incompris), mettant plus l’aspect sur une histoire ou une manière de faire qu’un genre en lui même. Ça ne sera qu’à l’orée du nouveau millénaire qu’Hollywood décidera d’enfanter d’un nouveau genre à part entière : le super-héros. Une multitude de films maintenant sont sortis de ces cerveaux surboostés par l’odeur de l’argent, mais à l’époque la timidité était de mise avec cette vague qui n’était qu’à ses balbutiements. S’attendait-on à autant de succès ? Sans doute pas, et c’est pour ça que cette période (2000-2008) restera l’une des meilleurs dans la production super héroïfique. Suivant l’exemple de ses grands frères X-Men, Spider Man, Daredevil ou encore Hulk (tous plus ou moins réussis), Hellboy se définira par son exclusion de cet aspect de super-héros justement, n’étant qu’un « héros » de comic classique (créé par Mike Mignola en 1993). En étant seulement une adaptation de comic il deviendra l’étendard de ces surproductions surhumaines de ce début de siècle. J’aurais pu choisir pour illustrer ce propos d’autres films, comme les deux premiers Spider-Man qui doivent faire partie à l’heure actuelle des meilleurs films en la matière. Mais J’ai choisis Hellboy pour le côté affectif que j’ai avec. Il en sera donc dans ces lignes la définition parfaite dans sa structure, son rythme et sa manière de traiter l’action, l’humour et les émotions.

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Une structure similaire à tous donc, mettant d’abord l’accent sur la genèse de notre protagoniste. Sa mise sur pied et son introduction dans notre univers bien connu. L’exposition aux rayons gammas pour certains, la morsure d’une araignée pour d’autres ou encore le meurtre de leurs parents pour les restants. Hellboy lui sera le rescapé d’un monde infernal atterrissant sur terre par le fruit du hasard. Grandissant parmi les humains, il développera des tics et habitudes totalement propre à notre race (addiction à la TV, à la malbouffe, etc). Mais étant un surhomme il n’aura que faire de ces soucis bien mineurs (de quoi faire rêver la personnalité geek qui se cache en chacun de nous). Il gérera tous les problèmes paranormaux du voisinages de la même manière que ceux du quotidien : d’une facilité sans pareille, sans rien d’inquiétant à l’horizon. Une routine totale en somme…jusqu’à ce que plus fort pointe le bout de son nez et bouscule la vie de notre protagoniste. Un schéma classique retrouvé dans tout film de super héros qui se respecte (Spider Man défendant la veuve et l’orphelin dans les ruelles de New York jusqu’à ce que la folie d’un scientifique Norman « Jekyll » Osbourne ne se transforme en Green « Hyde » Goblin, Batman démantelant les cartels jusqu’à l’apparition du Joker ou de Mr Freeze ; pour ne citer qu’eux). S’enchaîne donc ensuite une course contre la montre pour la survie de la planète contre ce dit super vilain. Une lutte difficile qui renvoie bien souvent toute la part d’ombre que notre protagoniste essaiera de cacher à tout le monde et surtout à lui-même… Une attaque psychologique dévastatrice qui enverra notre héros dans les cordes et le remettra surtout en question plus d’une fois sur la durée du métrage… Le bougre super vilain essaiera même de le tenter pour rejoindre le côté obscur (« Peter Parker…je suis ton père »- enfin presque).
Une construction qu’on retrouvera partout finalement séparée en trois actes dissociables (découverte du héros/son quotidien en tant que modèle pour le peuple et sauveur de ce dernier → l’élément perturbateur avec naissance d’un vilain surpuissant → acte final).

hellboyMais ce n’est pas tout, ce qui me marque aussi dans ces productions du début des années 2000 c’est la manière de traiter l’action. Dans la première partie de ces films, les affrontements seront toujours présentés sous un jour avantageux pour notre héros, nous le montrant invincible et surpuissant, alternant tatanes et tabassages en bonne et due forme. Mais pour je ne sais quelle raison l’affrontement final, que l’on attendra tous depuis le début du film, sonnera toujours comme un pétard mouillé. Ici une confrontation écrasant notre Hellboy, le malmenant comme une poupée de chiffon… mais qui arrive à s’en sortir grâce au dernier tour de passe-passe qu’il avait dans sa poche. Un ingrédient récurrent dans ces productions (la fin du premier Spider Man, même si le face-à-face sera digne d’une chorégraphie parfaite, la fin des 4 Fantastiques, Hulk de Ang Lee, etc). Certains essaieront de s’en éloigner, ce que réussira avec brio le tant décrié Constantine qui apporte de la fraîcheur et un « twist » surprenant et efficace pour le genre.
Du côté de notre Hellboy je prendrai cette fin comme un signe d’appartenance au genre, un moyen de rentrer directement dans le moule et le schéma standard pour se faire une place dans la famille. Un détail quand on étudie le film puisque ce qui est important dans le cinéma de Del Toro n’est pas tant la structure MAIS la poésie qu’il injecte au film et l’angle qu’il choisit pour présenter les différents éléments du récits. D’ailleurs, sans doute conscient des faiblesses vieillissantes de l’action il donnera à la fin de son second opus du démon cornu un face-à-face bien plus palpitant et poussé dans l’action.

MV5BOTQ4MDM0NzkyMF5BMl5BanBnXkFtZTgwMzg4ODUyMDI@._V1_Ce qui différenciera le film de ses compères sera son réalisateur bien évidemment. À l’image d’un Pacific Rim quasiment 10 ans plus tard, Hellboy ne brillera pas par l’originalité de son scénario, qui sans être nul et sans intérêt sera très classique et convenu. Un matériel propice à un gros budget studio en somme, un retour sur des sentiers classiques confortables après le succès critique du deuxième Blade assez timide en matière de poésie Del Toresque néanmoins. Mais là où Hellboy brille justement, c’est dans la patte ultra personnelle et reconnaissable du Mexicain. À commencer par la signature graphique de ses personnage avec Hellboy en tête de liste qui sera d’un côté très fidèle au matériel de base mais aussi très représentatif du travail de Guillermo (avec son maquillage fait main, travaillé jusque dans les plus petites gravures). Ce film sera l’occasion d’étendre un bestiaire divers composé de têtes toutes plus uniques les unes que les autres : Sapiens l’homme Poisson magnifiquement réaliste (Doug Jones acteur fétiche du réal’ au physique fin et adéquat pour jouer tout ces monstres), Kroenen le sadomasochiste ninja arme à tuer nazi, le guide du cimetière ou les différents démons arpentant notre chère planète. On remarquera aussi encore une fois l’énorme influence qu’a Lovecraft sur Del Toro, avec la représentation du monde infernal et son arrivée sur Terre tentaculairement Cthulien. c64e5e7b7e88a28ae6251b27138579c2De plus, contrairement à la populace des films de super-héros classiques, Guillermo développera des personnages forts et digne d’intérêt plus de deux plans consécutifs. Professeur Broom en mentor/père, joué par un John Hurt touchant ; Kroenen, encore une fois, qui plus qu’un antagoniste classique sera fascinant par son histoire que l’on apprend à connaître indice après indice dans le film et qui reste l’un des meilleurs personnages de l’univers Hellboy malgré son mutisme évident. Nous passerons les sidekicks et personnages comiques qui ne serviront que très peu la qualité et encore moins la touche personnelle de Del Toro, qui est plus dans son élément dans les scènes plus sérieuses. La poésie se retrouvera aussi dans les décors et en particulier dans les séquences se déroulant dans le bureau du Professeur, à l’esthétique classique de toute beauté, ou encore le repaire de Kroenen habité par une atmosphère puant le vieux mood allemand/nazis de la seconde guerre mondiale (vieille architecture presque steampunk sous fond de musique classique Wagnerienne) renforçant le côté glauque du personnage.
Au final le film, malgré son propos classique, sera un bon moyen pour son réalisateur de développer son univers à travers ses personnages, ses décors et de toucher à tous les genres tout en gardant son intégrité – à l’instar de Pacific Rim, même s’il restera quand même très bridé de son côté. Ce qui rend le film bien mieux qu’une pléthore d’autre bobines du genre. Là où un X-Men, Hulk, Iron Man et Cie ne respire aucunement l’originalité, véritable produit d’un Yes Man à l’écoute servilement canine des studios, Hellboy s’en sortira beaucoup mieux grâce à la touche Del Toro très sentie. Il en ressortira grandit et de meilleure qualité méritant largement la place de tête de cette petite famille cinématographique.

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Mais ce qui fait aussi la grosse force du film, de manière égale à son réalisateur, c’est son premier rôle. Hellboy sera pour Ron Perlman la chance d’être sur le devant de la scène. Une opportunité dont il aura toujours rêvé. Un grand premier rôle par la taille et l’ampleur, pensé par Del Toro spécialement pour lui ! Un personnage qui lui va comme un gant, qu’on ne peut imaginer être joué par un autre. Ron Perlman s’en délecte et ça se voit, preuve à l’appui avec le making of le montrant plus qu’à l’aise et totalement à sa place en personnage central du movie. Il arrive à être touchant malgré le maquillage imposant (son amour impossible, sa réaction face au rejet), à être à l’aise dans les passages plus légers du film et tient plus que la route dans les cascades (qu’il aura fait en majeure partie) et les différentes phases d’affrontements.Triste de se dire qu’il aura tout fait pour continuer cette licence, déclamant haut et fort son envie de faire un troisième opus sur les réseaux sociaux et différents médias.
z5ujNMcRon Perlman n’a jamais caché sa volonté de faire parti du panthéon des stars du cinéma populaire pop-corn avec un grand « S ». Encore pas plus tard qu’hier il racontait son fantasme d’être appelé par les Marvel Studios pour faire partie de cet univers, d’être reconnu par tous les gosses dans la rue comme Robert Downey Jr ou Chris Evans… Mais j’ai envie de dire qu’heureusement pour nous il ne fera pas partie de cette médiocrité ambiante envahissant les salles sombres. Grâce à son réseaux, sa persévérance et surtout son talent, il est devenu d’années en années un acteur de renommée internationale et unique suscitant l’admiration. Pas pour rien que chez Film Reels from Outer Space on lui voue un culte sans limite. Une aura dont la carrière a grandement aidé à être forgé. Sans ces seconds rôles marquants, ses apparitions marquées et son jeu personnel, il n’en serait pas là. Grâce à ses contacts et les amitiés qu’il a su développer il aura quand même ses heures de gloires sous les projecteurs, comme en témoigne ce bon Hellboy. J’aime à penser qu’il ne faut rien regretter, que chaque élément d’une vie, chaque phase, période et chaque choix nous amène à ce que nous sommes à l’instant ‘T’. De même pour Ron Perlman qui grâce à tout ça est l’un des meilleurs et surtout celui que je respecte le plus.

Howard Bartleh

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