MSC – 1号棟 107 (2015)

91v+EuDPoUL._SL1500_.jpgEt on continue ce modeste cycle de rap entamé avec l’ep Wu Massacre le mois dernier, avec ma toute dernière découverte en matière de hip hop : MSC. Crew légendaire venant tout droit du Pays du Soleil Levant. Oui, étonnamment le Japon peut faire de la bonne musique (exit J-Pop, J-rap et J-merde) et encore plus étonnant qu’étonnamment, ça sera dans le hip hop.
Un petit accident dans mon parcours transformé en découverte : un après-midi maladif familial bien entamé j’enfournais l’ovni médiocre de comédie rap musicale japonaise Tokyo Tribe, un film dont seul le Japon a le secret. À défaut d’être un bon film (on aura l’occasion d’en reparler), il me fera découvrir au hasard de deux-trois scènes (qui n’excèdent pas cinq minutes misent bout à bout) le rappeur MC Kan [a.k.a GAMI]. Pas besoin d’être un génie pour faire le lien, et quelques clics plus tard j’apprends qu’il fait bien évidemment parti du Mic Space Cru et en est même le leader, le cœur et l’esprit. Bon quelques clics frénétiques qui dépasseront quand même l’heure de recherche, parce qu’internet à beau être pratique, trouver des info’ sur le japonais n’était pas une mince affaire. Mais une fois ma croisade accomplie, j’en ressors fier et avec un autre artiste à ranger dans ma discothèque.
Kan-1-2.jpgMembre de gang et de toute la criminalité nippone à Shinjuku, KAN sera bien évidemment influencé par les grands mouvements venus des USA (impossible de ne pas penser au Wu-Tang quand on écoute) et il citera même le film Wild Style comme motivation moteur de son rap. Il se lancera par la suite dans un rap underground sombre, suintant par tous les pores, contestataire et coup de poing en parfaite résonance à toute la surexposition et de la mauvaise image boys bandesque de la musique trop commerciale vomitive du pays. Les précurseurs d’un gangsta rap sur l’archipel, du true rap loin des mouvances commercialo-pop. Au fur et à mesure de mes lectures ,j’en suis vite venu à la conclusion qu’on avait affaire à ce qui se rapproche le plus du grand RZA dans l’idée et la manière d’avoir pris les choses en main et d’avoir ouvert la voie à suivre en terme de productions crasseuses et de ligne directrice d’un style. Pas là pour enfiler des perles le gars, ça n’y va pas par quatre mille chemins, ça envoie sec, durement et sans moufeter. Ça sent la street à plein naseaux, le deal et le meurtre des rues fumeuses d’une manière encore plus raw et surtout plus sur la longueur ; à contrario d’un Wu-Tang qui ont vite lâché leur atmosphère poussiéreuse pour rentrer dans le business pur et simple et le rap game bas du front (voir les polémiques/buzz diverses du Ghostface Killah, les derniers albums de Raekwon). Le MSC, lui préférant rester dans leur famille underground du ghetto japonais, a respecté son authenticité et ses principes (un peu le côté toujours droit, formel et très valeuresque du Japon).

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On les retrouve quelques albums plus loin, une réputation de tête de proue que rien n’arrête et LA référence du style. D’une aura aussi légendaire qu’un Wu-Tang Clan toujours resté ténébreux, mixé à un soupçon de NWA rebelle, ils reviennent en 2015 après neuf longues années d’absence avec 1号棟 107. Ep (mini-album comme les nippons aiment à les appeler) de cinq titres aussi cool que la galette est courte. Et, même si le détail est amusant, ce ne seront pas les instrumentaux et acapella en bonus qui prolongeront le plaisir frustré par la durée du skeud.
Le constat avec cette galette c’est qu’avec le temps les productions sont de moins en moins poisseuses, mais ne perdent pas en efficacité. Toujours aussi puissant oui, comme le montre l’ouverture « Tru B-Boyz strikes back » (petit taclage clipesque du crew qui montre qu’ils sont toujours là et toujours au sommet du game après tant d’années), mais c’est quand même le seul petit regret qui m’envahit quand je l’écoute, moi fan de crasse et sombreté. De ce que j’en ai entendu je préfère leurs anciennes productions. Mais on ne chipotera pas, c’est toujours aussi bon et on retrouve quand même ce côté dark, peut-être juste plus subtilement intégré, comme sur « 新宿2015 » et ses orgues de pré-couplet.
Ils ont des productions soignées qui me parlent tout simplement, qui me font penser aux grandes heures de l’East Coast mais en apportant la fraîcheur japonaise. L’ingrédient qui fait la différence et qui n’en fait pas une simple redite. D’ailleurs, moi qui aurait tendance à avoir peur de la barrière de la langue, je trouve que le japonais se prête plutôt bien à l’exercice. Okay on ne comprend rien à ce qu’ils baragouinent, mais la langue est assez rythmée de base pour rendre le parler plus agressif et parfait dans le rap. Je ne vous cache pas que les autres MC me laissent un petit peu de marbre. Si ce n’est à deux-trois moment (Primal sur la deuxième piste), c’est Kan qui me régale sur toute la longueur ! Voix rauque et flow rapide : ça me plaisait avant d’écouter.
Mais il faut aussi savoir ouvrir son cœur, j’aime quand c’est vénère mais aussi quand c’est plus calme, enfin … surtout quand c’est bien fait. Et ce sample vocal sur la dernière « Don’t Leave Me » me terminera la galette au poil. Mais bon bien trop court encore une fois… J’en suis tout con comme si on m’avait couper l’herbe sous le pied.

Un band au bon mood à marquer d’une pierre rouge dans l’histoire du rap. Rentré directement au panthéon aux côtés des grands direct. Oui oui, pas peur de prendre des raccourcis, les mecs le méritent totalement !
J’aurais voulu attaquer leur discographie par leur début, ou au moins un album entier. Mais la complexité géographique oblige, je n’aurais pu que me procurer (pour l’instant) ce petit échantillon de leurs talents. Le reste est soit beaucoup trop cher (j’ai beau apprécier, dépenser plus d’une centaine d’euros pour un quinze titres c’est dur) soit tout bonnement introuvable. La croisade ne fait que commencer !

Howard Bartleh

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